Maman d’un garçon de 4 ans et d’une petite fille de 19 mois, j’ai fait le choix d’instaurer un bilinguisme précoce franco-arabe pour mes enfants.
Mon histoire avec le bilinguisme ne fait donc que commencer. Mais je voulais quand même vous raconter comment se sont passées les premières années de ce voyage, et essayer de répondre à certaines questions que vous pouvez vous poser si vous vous retrouvez dans la même situation que moi.
Ma petite histoire personnelle
Je suis arrivée en France en 2008 à l’aube de mes 20 ans pour faire des études d’ingénieur. Avant cela, je vivais au Maroc dans la ville de Casablanca dans une famille complètement arabophone, avec une utilisation du français, comme langue étrangère, uniquement réservée aux milieux scolaire et professionnel.
Depuis ma tendre enfance, j’ai toujours été très attachée à la langue arabe. Enfant, J’adorais passer de longs moments à lire les petites histoires pour les enfants comme les séries de Quissas Jouha (قصص جحا) et de Sindibad (سندباد).
Par ailleurs, comme tous les enfants de mon entourage, mon enfance a été bercée par les dessins animés arabes des années 90. Le contenu de ces séries de dessins animés était complètement différent des contenus d’aujourd’hui, la plupart prônaient les qualités nobles et courageuses ou bien nous emmenaient dans un autre monde beaucoup plus féérique.
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Puis une fois au collège, j’ai développé une grande passion pour les romans de Najib Mahfouz (نجيب محفوظ), de Taha Hussein (طه حسين) et Ihssan Abd-elQoudouss (إحسان عبد القدوس). Sans oublier mon amour profond pour l’art arabe en général à commencer par les chansons de Oum koulthoum (أم كلثوم), Fayrouz (فيروز), Halim (حليم) et autres.
Comme vous avez dû le comprendre à présent, l’arabe a une place très privilégiée dans ma vie. J’adore la langue mais aussi la culture et l’art arabes. C’est pour moi un héritage très précieux que je voudrais véhiculer à mes enfants. Mon ambition intime est qu’ils absorbent toute cette culture et qu’ils y soient aussi attachés que moi.
Un petit bonus pour vous
Si, comme moi, vous adorez retomber en enfance de temps à autre, et surtout si vous voulez faire profiter vos enfants de certaines histoires qui datent de notre enfance, je vous ai trouvé une pépite sur le net, qui permet de télécharger et d’imprimer quelques livres anciens. Je pense que vous allez adorer : wonderland-stories.com.
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La question qui se pose…
Quelques mois après mon arrivée en France, j’ai rencontré celui qui allait devenir mon mari et le père de mes enfants. Il avait exactement le même background que moi : marocain de la ville de Meknès, arrivé en France en 2008 quand il avait 20 ans pour ses études d’ingénieur. Nous avons donc formé un couple assez homogène.
Quand nous avons décidé d’avoir notre premier enfant en 2018 la question s’est posée naturellement par rapport à la gestion de cette dualité de langue : le fait que nous soyons marocains arabophones mais résidants en France.
Notre choix de bilinguisme précoce
De mon côté, les choses étaient très claires et se sont même imposées au début de façon assez intuitive et sans trop chercher à expliquer le pourquoi du comment. Et au fur et à mesure que mon premier bébé grandissait dans mon ventre ça devenait de plus en plus évident.
Il était vraiment inconcevable pour moi de parler à mes enfants dans une langue qui m’est quand même étrangère, quand bien même cette langue est la langue du pays d’accueil et qu’elle est vouée à devenir leur langue dominante au quotidien.
Mais surtout, je me posais toujours la même question : « si JE ne parle pas arabe à mes enfants, qui le fera ?! et aussi comment feraient-ils pour apprendre cette langue et pour recevoir cet héritage riche qui me tient tant à cœur ? et s’ils l’apprennent finalement plus tard, ce sera donc une langue étrangère pour eux. Non ce n’est pas ce que je veux…
J’avais même l’impression qu’il me serait impossible de renforcer le lien affectif avec mes enfants si je leur parlais français. Surtout que je n’ai pas appris la langue française étant bébé et donc j’aurais été clairement incapable d’adapter mon langage afin de leur parler une langue de « bébé ».
En me basant sur mon intuition première, j’ai commencé à faire quelques recherches et j’ai trouvé en effet que la plupart des spécialistes déconseillent aux parents d’éduquer leurs enfants dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle même quand les parents parlent très bien cette langue. Car cela pourrait priver les tous petits d’une richesse de vocabulaire et également d’un apprentissage plus naturelle de la langue.
La langue crée un lien affectif : la plupart des femmes ont donc du mal à parler à leur enfant dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle .
Annick De Houwer, professeure spécialiste de la linguistique expérimentale et du plurilinguisme à Erfurt
Du coté de mon mari, c’était un peu plus mitigé. Il était en effet plus sensible que moi à certains discours plus ou moins réticents, et se posait beaucoup de questions quant aux difficultés que pourrait engendrer un apprentissage précoce de la langue arabe pour nos enfants.
Heureusement, il était volontaire pour faire un plan et le suivre coûte que coûte et malgré toutes les difficultés et tous les problèmes qui pourraient nous rencontrer surtout au début.
La réaction de notre entourage
Nous avons donc choisi d’instaurer un bilinguisme précoce pour nos deux enfants et en choisissant de faire cela, nous avons été surpris de voir que notre entourage se faisait des soucis « à notre place » pour nos enfants et pour leur intégration dans la société française. A commencer par nos familles restées au Maroc, et en passant par les institutions ; pédiatres et instituteurs.
Je peux vous dire tout de suite que cette situation a été quand même assez compliquée à gérer pour moi. Pas que j’aie besoin de l’approbation de mon entourage vis-à-vis de l’éducation que je décide d’instaurer pour mes enfants, loin de là.
Mais il faut savoir que, nous parents, quand on fait un choix pour nos enfants en terme d’éducation, nous avons l’impression de risquer gros et souvent nous ne sommes pas sûrs de nous, car nous sommes clairement en train d’improviser en quelque sorte, vu que personne ne nous a « formés » à être parents. Alors des fois, il suffit d’une simple question malvenue, ou d’un commentaire déplacé, pour qu’on passe des jours et des jours à ruminer, et à se remettre en question.
Je vous raconte donc tout cela et bien plus dans la deuxième partie de ce témoignage 🙂